Citons en exemple ici, deux lettres de fusillés, honteusement copiées au hasard et volontairement sans précision de l’auteur, sans autre but que de vous inviter à lire ces lettres déchirantes sur le « Maitron » …
Très chers parents,
Je profite pour vous écrire ces mots qu’un crayon soit en ma possession. J’ignore quand vous recevrez cette lettre, mais elle vous sera remise sans aucun doute. C’est mon compagnon de cellule, le camarade MAZE, qui vous la remettra quand il aura retrouvé sa liberté. Son cas n’est pas grave, sa peine ne sera pas sévère, si toutefois il est condamné. Pour moi, la situation n’est pas la même. Je n’ai aucun espoir de sauver ma vie, d’ailleurs l’officier instructeur m’a déclaré que je serai fusillé ; soit, cela ne m’effraie pas, je mourrai bravement en communiste, je suis fier d’avoir lutté pour l’indépendance de mon pays et pour sauver de l’esclavage le peuple de France ; ceux qui m’ont livré aux Allemands, les policiers français ou soi-disant tels , qui se font les pourvoyeurs des cours martiales, ceux-là auront à rendre compte un jour de leur conduite répugnante ; ce que j’ai pu souffrir par eux, vous ne le saurez jamais.
Il est impossible d’imaginer le sadisme de ces chiens de garde des capitalistes, il est vrai que chez ces tristes individus, tout sentiment patriotique a cessé d’exister , s’il exista jamais. Peut-être ont-ils pensé, ces traîtres, que le peuple était muselé pour toujours et que cela leur assurait l’impunité… Déjà, ils se rendent compte de leur erreur, car la justice est en marche là-bas, à l’Est de l’EUROPE. Les héros de l’Armée Rouge infligent aux fauteurs de guerre capitalistes de sévères défaites, partout, les peuples subjugués par le fascisme barbare redressent la tête, un jour peut-être proche, le régime bourgeois basé sur l’exploitation de l’homme, sur l’erreur, le mensonge, la superstition s’écroulera avec fracas ; ce jour-là, nous serons vengés, les policiers et les traîtres de tout acabit rendront compte de leurs actes au peuple souverain qui les jugera. Mes chers parents, j’ai confiance dans l’avenir, j’ai la certitude que nous sortirons victorieux du combat auquel nous ont contraint les fascistes.
Je sais, mes pauvres chers parents, que ma mort vous plongera dans le désespoir mais songez à la grandeur de l’idéal pour lequel je donne ma vie, songez que je meurs pour que d’autres parents plus tard ne connaissent pas vos tourments, pensez que je fais le sacrifice suprême, pour sortir les masses laborieuses de l’animalité, de l’esclavage où les tient le capitalisme. Dans la cité nouvelle, le travailleur aura enfin la place qui lui revient, la « première » ; partout les peuples vivront dans l’abondance, libres, égaux en droits, sans distinction de race ; partout, ce sera le bonheur dans la paix sociale car les exploiteurs auront été impitoyablement liquidés ; aux divisions et aux luttes qui affaiblissent la classe laborieuse que les capitalistes entretiennent après les avoir provoquées, fera place à la fraternité, pensez à tout cela, mes chers parents, et ma mort vous paraîtra moins cruelle.
Combien déjà sont tombés sous les balles allemandes, martyrs de la liberté ; après nous, combien encore feront avec joie le sacrifice de leurs vies, pour que les horreurs de la guerre soient épargnées aux générations à venir. Vraiment la mort paraît douce quand on songe au bonheur que connaitront les tout-petits un peu grâce à nous.
Mon cher Papa, je sais que tu seras fort dans le malheur comme toujours tu le fus. Console ma chère petite maman ainsi que tous les autres. Dis à mes camarades que je suis resté jusqu’au bout fidèle à mon idéal et transmets-leur mon dernier salut, le salut le plus fraternel. Et maintenant, adieu mes chers parents, adieu, vous tous que j’aimais, je vais attendre la mort avec calme car j’ai la conscience pure. A tous, j’envoie d’affectueux baisers.
Lettres de Fusillés (Maitron)
Fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien.
Homologué à titre posthume au grade de capitaine FFI en décembre 1947 avec attribution de la Croix de guerre et de la Médaille de la Résistance en 1948, il eut, à ce titre, la carte de Combattant volontaire de la Résistance (CVR) en décembre 1953 et la Légion d’honneur en juin 1955.
Fresnes, le 11 avril 1944
Ma petite Paula bien-aimée,
Fidèle jusqu’au dernier, souffle à mon idéal, cet après-midi à 15 heures, je tomberai fusillé. Je te laisse seule avec notre petit garçon chéri Je ne pense qu’à vous deux. Je vous aime tellement, je t’aime tellement, ma petite chérie. Je te demande pardon de tout le mal que j’ai pu te faire. Tu m’as donné tellement de bonheur. Maintenant j’y repense ; je revis ces instants de bonheur passés près de toi et près de notre petit garçon chéri. Sois courageuse, ma petite bien-aimée. Défends notre petit Microbe chéri Élève-le en homme bon et courageux. Et je t’en supplie ne lui donne pas un autre papa. Parle-lui souvent de moi, de son papa qui l’aime tellement, qui vous aime tellement. Mes derniers instants, je veux les consacrer à vous. Je te revois, avec notre petit trésor dans les bras, m’attendre à la descente du car. J’entends son (sourire, barré dans le texte original) rire, je revois tes yeux de maman l’envelopper de tant de tendresse ; Je l’entends m’appeler « papa », « papa » Soyez heureux tous les deux et n’oubliez pas votre « papa-car » Je saurai mourir courageusement et, face au peloton d’ exécution, je penserai à vous, à votre bonheur et à votre avenir. Pensez de temps en temps un peu à moi. Du courage, ma Paula bien-aimée, II faut élever notre petit garçon chéri. II faut faire de lui un homme bon et courageux. Son papa lui laisse un nom sans tache. Aux moments de découragement, pense à moi, à mon amour pour vous deux, à mon amour immense qui ne vous quitte pas, qui va vous accompagner partout et toujours. Ma bien-aimée, ne te laisse pas abattre, tu seras à partir de 15 heures le papa et la maman de notre petit chéri. Sois courageuse et encore une fois pardonne-moi le mal que je t’ai fait. Te dis, ma Paula bien-aimée, tout mon amour pour toi et notre petit Microbe chéri. Vous serre tous les deux dans mes bras. Vous embrasse de tout mon cœur. Vive la France, Vive la liberté !
J. E.
Mon petit Microbe, mon fils,
Quand tu seras grand, tu liras cette lettre de ton papa. II l’a écrite 3 heures avant de tomber sous les balles du peloton d’exécution. Je t’aime tellement, mon petit garçon, tellement, tellement. Je te laisse seul avec ta petite maman chérie. Aime-la par-dessus tout. Rends-la heureuse, si heureuse. Remplace ton papa-car auprès d’elle. Elle est si bonne ta maman, et ton papa l’aime tellement Console-la, mon petit garçon chéri, soutiens-la. Tu es tout maintenant pour elle. Donne-lui toute la joie. Sois bon et courageux. Je tomberai courageusement, mon petit Microbe chéri, pour ton bonheur [et celui] de tous les enfants et de toutes les mamans. Garde-moi (et, rayé dans le texte original) un tout petit coin dans ton cœur. . Un tout petit coin, mais rien qu’à moi. N’oublie pas ton papa-car. Mon petit fils chéri, je revois ta petite figure souriante, j’entends ta voix si gaie. Je te vois de tous, mes yeux. Tu es tout notre bonheur, le mien et celui de ta maman chérie. Obéis à ta maman, aime-la par-dessus tout, ne lui cause jamais de chagrin. Elle a déjà tellement souffert. Donne-lui tellement de bonheur et de joie. Mes derniers instants. Je ne pense qu’à toi, mon petit garçon chéri et à ta maman bien-aimée. Soyez heureux, soyez heureux dans un monde meilleur, plus humain. Vous dis encore une fois tout mon amours. Sois courageuse, ma petite Paula chérie. Aime ta maman par-dessus tout, mon petit garçon chéri, mon petit Microbe chéri. Sois bon et courageux, n’oubliez pas votre papa-car. Vous serre tous les deux dans mes bras. Vous embrasse de toutes mes forces, de tout mon cœur, votre « papa-car ».
Mes amitiés à tous nos amis.
Je leur demande de t’aider, de vous aider et soutenir.
Joseph
Daniel – prend soi de ma petite Paula chérie et de mon petit Microbe adoré.
Lettres de Fusillés (Maitron)
Condamné à mort par le tribunal allemand de Paris (rue Boissy-d’Anglas, VIIIe arr.), le 23 mars 1944, il a été fusillé le 11 avril 1944
Elevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.
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